Assouplissement des conditions de répression de certains délits de banqueroute

Droit pénal des affaires & compliance : 6 mois en revue

Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 25 novembre 2020 – n°19-85.205

Dans un arrêt du 25 novembre 2020, la chambre criminelle était amenée à se prononcer sur deux points en particulier.

D’une part, sur l’impact de la date de cessation des paiements et la qualification des délits de banqueroute et d’autre part sur l’appréciation de l’élément intentionnel dans certains délits de banqueroute.

Dans cet arrêt il s’agissait d’une SCI qui avait acquis en 2008 un terrain financé par un découvert en compte pour un montant 1.400.000 euros.

Par jugement du 15 octobre 2013, une procédure de redressement judiciaire était ouverte et la date de cessation des paiements de la SCI était fixée au 13 septembre 2013.

De nombreuses irrégularités étaient constatées et ce notamment au niveau de la comptabilité de la SCI.

Les dirigeants étaient poursuivis pour délit de banqueroute par absence ou irrégularité de comptabilité et banqueroute par emploi de moyens frauduleux.

Les prévenus étaient déclarés coupables en première instance. Cependant, la Cour d’appel infirmait en retenant, entre autres, que l’absence de comptabilité s’inscrivait dans un contexte de conflit entre associés ayant entrainé la démission de l’expert-comptable.

Dans ces conditions, la Cour d’appel estimait qu’aucun élément ne permettait de « considérer que les irrégularités comme le défaut de comptabilité auraient eu lieu dans le but poursuivi par les prévenus de retarder la constatation de l’état de cessation des paiements ou d’affecter l’actif de la S.C.I. dans des conditions qui allaient la mettre dans l’impossibilité de faire face au passif exigible. »

La soustraction volontaire aux obligations comptables suffit à démontrer l’élément intentionnel de certains délits de banqueroute :

L’article L.654-2 du Code de commerce prévoit 5 délits de banqueroute qui sont bien souvent confondus.

Seul le 1° de l’article L.654-2 du de Code de commerce prévoit la recherche de l’élément intentionnel. En effet l’article dispose que « l’intention d’éviter ou de retarder l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, soit fait des achats en vue d’une revente au-dessous du cours, soit employé des moyens ruineux pour se procurer des fonds »

La Cour d’appel appliquait la recherche de l’intention du dirigeant, comme le prévoit le 1° de l’article L.654-2 du code de commerce, aux cas de banqueroute pour comptabilité manifestement irrégulière (5°) ou absence de comptabilité (4°) et banqueroute par l’emploi de moyen frauduleux (3°). 

Or la Cour de cassation rappelle, en visant le 4° et 5° de l’article L.654-2 du Code de commerce,  que les juges n’avaient pas à rechercher la preuve que le prévenu ait eu la volonté d’éviter ou de retarder la constatation de l’état de cessation des paiements ou d’affecter la consistance de l’actif disponible de nature à ne plus permettre à la société de faire face au passif exigible. 

La haute juridiction précise alors que pour le délit de banqueroute, par comptabilité manifestement irrégulière ou absence de comptabilité et banqueroute par l’emploi de moyen frauduleux, le seul non-respect des obligations comptables suffit à qualifier l’élément intentionnel des délits lorsque le dirigeant est conscient de se soustraire à de telles obligations.

Concrètement, un dirigeant ne respectant pas les obligations comptables lui incombant pourra être sanctionné de sa négligence au titre de la banqueroute.

Cet arrêt rappelle l’importance de ne pas opérer de confusion entre les cinq cas de banqueroutes qui existent en droit français et qui n’entrainent pas les mêmes conditions pour les qualifier.

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Thibaud Lemaitre

Thibaud Lemaitre

Associé Département Pénal des affaires / Risques graves / Compliance