Financement des campagnes éléctorales et outils numériques

A l’approche des élections municipales de mars 2020, la question du financement des campagnes électorales menées par les candidats se trouve être au centre de l’attention. Or, le développement des outils numériques induit nécessairement une ouverture des possibilités quant aux manières et aux moyens de financer ces campagnes électorales. C’est dans ce contexte que certaines règles ont été posées en matière de financement des campagnes électorales. 

———————————————————————————————————————

Qui peut apporter son soutien au financement d’une campagne électorale ? 

Les candidats aux élections municipales peuvent recueillir des financements durant les six mois précédant le premier jour du mois de l’élection, et ce jusqu’à la date de fin du dépôt du compte de campagne. 

Par conséquent, les électeurs pourront effectuer des versements à compter de septembre 2019. 

Seules les personnes physiques sont autorisées à réaliser ce genre d’opérations.

Les personnes morales n’en ont pas le droit, sauf si elles constituent des partis ou des groupements politiques (article L 52-8 du Code électoral). 

Il convient ici de noter que la jurisprudence, comme le législateur, possède une conception de la notion de « partis » ou « groupements politiques » assez stricte. En outre, la personne morale correspond à un parti ou groupement politique si elle s’est assignée à un but politique, qu’elle bénéficie d’une aide budgétaire publique et qu’elle ne recueille des fonds que par l’intermédiaire d’un mandataire. 

La notion de « don » est également strictement appréciée par les juridictions. Certains dons sont, en effet, prohibés au sens de l’article L 52-8 du Code électoral. Il s’agit, pour la plupart, de « dons déguisés » ou « implicites ».

Il peut ainsi s’agir de la mise à disposition ponctuelle de ses locaux par le candidat (Conseil d’Etat, 8 décembre 2010, n° 338291), ou encore de la rédaction ou de l’impression sur son papier en-tête des tracts par le candidat (Conseil d’Etat, 10 juin 1996, n° 173998).

Il convient toutefois de souligner le fait que les dons émanant des comptes courants d’associés au sein d’une société s’analysent en des dons provenant de personnes physiques ; ce qui est conforme à la loi. 

Par ailleurs, le versement d’un don directement à un candidat est strictement interdit. En effet, les dons doivent être réalisés sur le compte bancaire du mandataire financier.

En cas de non-respect de ces règles, l’intéressé sera puni d’une peine de 3 ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. Dans l’hypothèse où une personne morale a effectué ces dons, les dirigeants (de droit ou de fait) seront tenus pour responsables juridiquement (article 113-1 du Code électoral). 

—————————Qui recueille les dons ? 

L’article L 52-4 du Code électoral impose au candidat de déclarer un mandataire financier au plus tard à la date à laquelle sa candidature est enregistrée. Cette déclaration s’effectue, par écrit, auprès de la préfecture (article L 52-6 du Code électoral).

Le mandataire peut être, soit une association de financement électoral (association Loi 1901), soit une personne physique dénommée « mandataire financier ».

Cependant, un mandataire ne peut être commun à plusieurs candidats.

Il a pour mission l’ouverture d’un compte bancaire unique et la tenue des comptes de campagne. 

Ses fonctions cessent de plein droit trois mois après le dépôt du compte de campagne.

—————————

Les dons en ligne

Afin de financer leurs campagnes électorales, les candidats bénéficient de la possibilité de recueillir des dons en ligne.

Pour ce faire, certaines règles sont à respecter, et la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) veille à leur respect. 

Tout d’abord, les personnes autorisées à effectuer des dons sont les personnes physiques (ou partis et groupements politiques), attestant de la nationalité française ou de leur résidence en France.

Si les candidats, leurs remplaçants ou encore les colistiers ne peuvent réaliser de dons, ils peuvent néanmoins contribuer sous forme d’apports personnels. 

Chaque personne peut effectuer un ou plusieurs dons dans la limite de 4 600 euros maximum par personne et pour une même élection. En conséquence, une personne peut donner à plusieurs candidats mais la somme totale du cumul des dons réalisés doit être inférieure ou égale à 4 600 euros.

Les articles L 52-12 et L 52-4 du Code électoral imposent la tenue d’un compte de campagne pour les candidats ayant obtenu au moins 1% des suffrages exprimés. Comme énoncé précédemment, le mandataire financier doit disposer d’un compte bancaire et retracer toutes les opérations exécutées dans le compte de campagne du candidat. 

Ainsi, les dons en lignes s’effectuent uniquement sur le compte bancaire (unique) du mandataire financier. 

Les dons dont le montant est supérieur à 150 euros doivent être réalisés par chèque, virement ou prélèvement automatique ou par carte bancaire ; ils ne peuvent donc être effectués en espèces.

Les dons réalisés en espèces ne permettent cependant pas de bénéficier de la déduction fiscale, qui consiste en la possibilité de réduire ses impôts à hauteur de 66% du montant du don effectué. 

Le montant global des dons en espèces faits au candidat doit être inférieur à 20% du plafond des dépenses lorsque ce montant est supérieur ou égal à 15 000 euros. 

Un reçu-don doit être édicté par le mandataire financier du candidat.

Si le candidat ne dépose pas sa candidature ou la retire officiellement, les dons ne bénéficient pas de la déduction fiscale.

—————————

La technique du « crowdfunding » interdite

La technique du « crowdfunding » consiste en une plateforme de financement participatif afin que les dons y soient récoltés.

En conséquence, la personne qui effectue un don via ce type de plateformes ne passe pas par l’intermédiaire du mandataire financier.

Ainsi, la CNCCFP et la législation interdisent cette pratique.

—————————

Les virements PayPal :

PayPal constitue une plateforme de paiement en ligne, servant d’alternative au paiement par chèque ou par carte bancaire. 

Comme pour la technique du « crowdfunding », le don est réalisé sans l’intervention du mandataire financier. 

C’est pourquoi la législation et la jurisprudence ont, tout d’abord, interdit les dons via PayPal, et ce au titre du nom respect du principe d’unicité du compte bancaire du candidat à l’élection. 

En cas de non-respect de cette interdiction, la CNCCFP rejetait le compte de campagne du candidat lors de son contrôle. 

A titre d’exemple, l’interdiction de ce type de financement des campagnes électorales a été confirmée par le Conseil constitutionnel dans une décision n° 2018-5409 du 25 mai 2018 (à propos de PayPal).

Cependant, la loi n° 2019-1269 du 2 décembre 2019 visant à clarifier diverses dispositions du droit électoral a consacré la possibilité pour le mandataire financier ou l’association de financement électorale de recourir à des prestataires de services de paiement, tels que définis par l’article L 521-1 du Code monétaire et financier. 

Ainsi, les prestataires de services de paiement  sont les établissements de paiement, les établissements de monnaie électronique, les établissent de crédit et les prestataires de services d’information sur les comptes.

Néanmoins, l’utilisation de PayPal pour le versement de dons aux candidats aux élections municipales de mars 2020 ne sera pas envisageable, l’entrée en vigueur de ces dispositions étant prévue à compter du 30 juin 2020.

—————————

Article L 52-1 du Code électoral – Interdiction de la publicité commerciale et de la campagne publicitaire

Les bandeaux publicitaires sont ainsi interdits, le Code électoral interdisant les recettes publicitaires. Il s’agit de l’insertion d’une annonce au sein même d’une page Internet. 

Le référencement commercial, procédure de publicité commerciale, est également interdit. 

Ce principe posé par le Code électoral a notamment été affirmé par le Conseil d’Etat dans un arrêt du 13 février 2009 n° 317637, ainsi que par le Conseil constitutionnel par une décision en date du 8 décembre 2017 n° 2017-5026.

Le but du référencement commercial est d’améliorer la visibilité d’un site Internet moyennant une participation financière. 

Toutefois, pour que cette pratique soit prohibée, le site « référencé » doit avoir un lien avec la campagne électorale. 

—————————

La mise à disposition d’un site d’hébergement

Ici, l’hébergement du site Internet du candidat à l’élection est gratuit si, en contrepartie, des inclusions publicitaires sont insérées.

Cette gratuité de l’hébergement ne doit pas constituer un avantage spécifique au candidat, c’est-à-dire que l’hébergement doit être gratuit pour tous les utilisateurs afin de ne pas constituer un avantage (Conseil d’Etat, 18 octobre 2002, n° 240048). 

A ce titre, la CNCCFP effectue un contrôle de afin de s’assurer que cette gratuité de l’hébergement ne constitue pas un financement direct ou indirect par une personne morale (encore une fois, autre qu’un parti politique) ; cela étant formellement interdit par la loi. 

Pour ce faire, la CNCCFP vérifie que la possibilité de mise à disposition gratuite soit ouverte, de manière indifférenciée, à toute personne qui en fait la demande. D’autre part, elle établit que la seule publicité sur le site est celle du prestataire de service hébergeant gratuitement le site.

A titre d’exemple, le Conseil d’Etat a censuré la mise à disposition gratuite de trois plateformes Internet par une société au candidat car la société était en réalité gérée par une colistière du candidat (Conseil d’Etat, 11 avril 2018, n° 415485). 

Il est important de souligner ici que la gratuité de l’hébergement du site Internet du candidat ne doit pas être consentie en contrepartie de l’insertion de bannières publicitaires (cf bandeaux publicitaires). 

—————————

Réseaux sociaux et achat de publicité :

Concernant l’achat de fonctionnalités relatives à la publicité sur Facebook, cela est bien évidemment interdit (Conseil d’Etat, 25 février 2015, n° 382904).

D’autre part, l’amélioration de la visibilité des publications sur Facebook (ou tout autre réseau social d’ailleurs), qui consiste pour le candidat à contribuer financièrement pour mettre en avant ses publications, est un procédé qui est également interdit.

Le Conseil d’Etat a pu considéré qu’il s’agissait ici d’une dépense irrégulière d’achat de prestations publicitaires (Conseil d’Etat, 17 juin 2017, n° 406419).

Quant à lui, le Conseil constitutionnel a pu considérer que l’utilisation de cette pratique justifiait la réformation (et non le rejet) du compte de campagne (Conseil constitutionnel, 25 mai 2018, n° 2018-5486). 

—————————

Contrôle de la CNCCFP sur les comptes de campagne

La décision de la CNCCFP concernant les comptes de campagne d’un candidat est susceptible de recours gracieux ou contentieux devant le Conseil d’Etat (juge électoral). 

Le compte de campagne doit retracer l’ensemble des recettes perçues, ainsi que l’ensemble des dépenses engagées en vue de l’élection. 

Il doit être à l’équilibre ou excédentaire, mais il ne doit jamais être en déficit.

—————————

FOCUS SUR LA NOTION DE DÉPENSE ÉLECTORALE

Les dépenses réalisées par le candidat doivent, au même titre que les recettes, figurer au compte de campagne. Ces opérations sont retracées par le mandataire financier au sein du compte de campagne, qui sera ensuite transmis à la CNCCFP. 

Les dépenses électorales sont :

  • Les frais inhérents à la conception d’un site Internet ou d’un blog créé pour l’élection (acquisition d’un nom de domaine, hébergement du site) ; 
  • Les frais de fonctionnement du site Internet ou du blog ;
  • Les frais de maintenance du site Internet ou du blog ;
  • Les frais relatifs à l’utilisation du site Internet ou du blog ;
  • Les dépenses de « propagande » (affiches, circulaires, bulletins de vote), qui sont remboursées par les préfectures aux listes ayant réalisé plus de 5% des suffrages exprimés par tour dans les communes de plus de 1 000 habitants.

Au vu du principe d’égalité des chances entre les candidats, les dépenses électorales sont plafonnées. En effet, la loi fixe des plafonds de dépenses, qui se révèlent être proportionnels au nombre d’habitants de la circonscription électorale (article L 52-11 du Code électoral). 

Benjamin INGELAERE

Benjamin INGELAERE

Associé, Département droit public