La responsabilité administrative des fédérations françaises

Au lendemain du scandale « Beyer », accusé d’agressions sexuelles sur les patineuses qu’il entraînait, la question de la responsabilité des fédérations sportives se pose.

Dans cette affaire, le président de la Fédération Française des sports de glace (FFSG), Didier Gailhaguet, est accusé d’avoir eu connaissance des agissements de Gilles Beyer. 

En tout état de cause, l’entraineur avait fait l’objet d’un signalement pour agressions sexuelles en 2001 et, bien que l’enquête judiciaire n’avait pas abouti, le Ministère des sports avait mis fin à ses fonctions suite à une enquête administrative établissant des « comportements inappropriés ». Néanmoins, Gilles Beyer poursuivait sa carrière de dirigeant aux « Français volants » et exerçait plusieurs mandats au bureau exécutif de la FFSG jusqu’en 2018, restant ainsi toujours en contact avec de jeunes patineuses. 

Il convient de s’interroger ici, de manière plus générale, sur la responsabilité d’une fédération sportive ayant laissé un homme exercer auprès de jeunes filles, alors qu’elle avait été mise dans la confidence de certains faits très graves et pouvant avoir des conséquences désastreuses. 

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Une fédération sportive consiste en un regroupement d’associations et de clubs sportifs. 

Il s’agit d’une personne morale chargée d’une mission de service public administratif (Conseil d’Etat, 22 novembre 1974, Fédération française des industries d’articles de sport), faisant ainsi usage de prérogatives de puissance publique. 

L’article 40 du Code de procédure pénale énonce que : « Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbal et actes qui y sont relatifs ». 

C’est donc en ce sens qu’une fédération sportive qui a connaissance de faits de nature délictuelle ou criminelle doit en informer le Procureur de la République. 

Le Conseil d’Etat s’est déclaré compétent pour connaître du refus opposé par l’Administration de dénoncer un délit au Procureur de la République (Conseil d’Etat, 1er mars 1935, Angelliers et de Lagarde).

Cette jurisprudence a été étendue de telle sorte à conférer une obligation à la CNIL de dénoncer au parquet les infractions pénales dont elle a la connaissance (Conseil d’Etat, 27 octobre 1999, n° 196306,  Solana). 

Cet article du Code de procédure pénale laisse à l’autorité le soin d’aviser le Procureur dès lors que les faits lui paraissent suffisamment établis et si elle estime qu’ils portent une atteinte suffisamment caractérisée aux disproportions dont elle a pour mission d’assurer l’application. 

Bien qu’un certain pouvoir discrétionnaire soit donc laissé à l’autorité quant à l’appréciation des faits portés à sa connaissance, la suspicion d’abus sexuels apparaît comme étant plutôt alarmante dans la mesure où ces faits seraient constitutifs d’un délit. Et ce d’autant plus si le risque est encouru que de tels faits se reproduisent. 

Il est évident que la présomption d’innocence est une notion qu’il faut garder à l’esprit. Néanmoins, cela n’empêche en rien l’autorité d’informer le Procureur des faits qui lui ont été soumis, et ce afin qu’une enquête soit diligentée.

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En parallèle des poursuites pénales, il serait envisageable d’engager la responsabilité administrative de la fédération en ce qu’elle constitue une personne morale de droit public.

Pour ce faire, une faute de service commise par la fédération serait à démontrer.

La faute de service consiste à tenir l’administration pour responsable de fautes anonymes résultant d’un mauvais fonctionnement du service en général, ou encore, de fautes signées imputables à un agent en particulier mais non détachable du service. 

Dans l’hypothèse en présence, c’est dans l’inaction de la fédération que réside la faute. 

Après avoir démontré la faute commise par la fédération, il sera nécessaire d’apporter les éléments de nature à établir le préjudice subi par la ou les victime(s), et ainsi mettre en évidence le fait que l’inaction de la fédération a entraîné, ou a en tout cas, participé à la survenance du dommage. 

Benjamin INGELAERE

Benjamin INGELAERE

Associé, Département droit public