La négligence des procédures anti-corruption au sein d’une société, cause réelle et sérieuse justifiant du licenciement d’un directeur commercial

Série Compliance & contentieux

Analyse

CA Angers – Chambre sociale 11 mars 2021, n° 19/00128

Les Faits :

Un directeur commercial d’une société d’armement fut licencié pour faute grave. Ce dernier avait  mis en relation sa société française avec une société implantée au Émirats Arabe (EAU) pour conclure un contrat de distribution.

Le directeur commercial avait expliqué à la direction qu’il fallait se rendre « en urgence » sur place afin de pouvoir conclure le contrat.

Or, la procédure interne de la société française imposait la mise en place d’un contrôle par la direction du développement international pour finaliser la conclusion de contrat avec de nouveaux partenaires commerciaux à l’export.

La société justifiait le licenciement pour faute grave en expliquant que le directeur commercial avait voulu conclure un contrat avec un distributeur basé aux EAU tout en ne respectant pas ladite procédure interne de contrôle en vigueur.

La société d’armement, évoluant dans un secteur particulier qui nécessitait de nombreuses vérifications, expliquait que cette procédure est essentielle pour prévenir les risques de corruption ou de trafic d’influence.

L’employeur rapportait que, dans ce cas précis, cette procédure était d’autant plus importante qu’il s’agissait d’un contractant situé aux Émirat-arabe Unis avec lequel la société n’avait auparavant jamais contracté.

Manquement d’autant plus grave, que l’absence de la mise en œuvre de cette procédure avait été découverte la veille du départ pour le Moyen- Orient et qu’il était donc trop tard pour annuler le rendez-vous de signature.

À posteriori, la procédure de contrôle interne avait démontré plusieurs signes d’alerte conduisant à écarter certaines parties du contrat.

La société procédait au licenciement du directeur commercial sur le fondement de la faute grave prévu à l’article 1234-1 du Code du travail.

L’ancien salarié contestait son licenciement devant la juridiction prud’homales qui faisait droit à ses demandes.

La Cour d’appel d’Angers valide pourtant le licenciement du directeur commercial.

La juridiction du second degré retient que « le grief ne porte pas sur l’omission de vérifications qui ne relevaient pas de sa responsabilité mais sur le fait qu’il ne s’est pas inquiété du processus de validation par la direction du développement international avant de transmettre au directeur général la demande de signature du contrat ».

Ainsi, la Cour estime que le licenciement du directeur commercial est justifié par une cause réelle et sérieuse étant donné le niveau de responsabilité du salarié d’une part et le secteur particulièrement sensible dans lequel il évolue d’autre part.

De ce fait, le seul non-respect des procédures internes de conformité au sein de l’entreprise peut suffire à justifier le licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Toutefois, la Cour d’appel tempère sa décision. La juridiction écarte la qualification de faute grave et donne raison au salarié sur ce point. La Cour considère le non-respect de la procédure comme une abstention fautive mais qui n’est pas de nature à qualifier la mauvaise foi ou de la déloyauté de la part du salarié.

En effet, l’entreprise au moment où se déroulait les faits ne se trouvait pas dans une situation de danger immédiat de sorte que le maintien du contrat de travail n’était pas devenu impossible.

Thibaud Lemaitre

Thibaud Lemaitre

Associé Département Pénal des affaires / Risques graves / Compliance